(Agence Ecofin) - Bien plus que 45 millions de dollars, c’est la crédibilité même du modèle de financement africain qui se joue dans ce bras de fer discret entre une institution panafricaine et l’un des pays les plus endettés du continent.
La Zambie pourrait enfin trouver une issue au long feuilleton de sa restructuration de dette. Le secrétaire au Trésor, Felix Nkulukusa (photo), a annoncé lundi 27 octobre 2025 qu’un tiers s’est déclaré prêt à reprendre la dette du pays envers la Banque africaine d’import-export (Afreximbank), ouvrant la voie à un compromis après des mois d’impasse.
Le montant en jeu – environ 45 millions de dollars, selon le think tank britannique ODI – reste modeste à l’échelle des 13 milliards de dollars de dette extérieure de Lusaka. Mais le dossier Afreximbank symbolise un affrontement autour du statut juridique des banques multilatérales africaines dans les restructurations de dette souveraine : celui de créancier privilégié, selon lequel, même lorsqu’un pays renégocie sa dette, ces institutions doivent être remboursées en priorité et ne peuvent être contraintes à réduire ou différer leurs créances.
Un différend qui paralyse la restructuration
Depuis plus d’un an, le gouvernement zambien et ses créanciers s’opposent sur la question de savoir si Afreximbank doit ou non être incluse dans la restructuration au même titre que les autres créanciers.
Lusaka, appuyée par le Club de Paris et le Comité des créanciers officiels (OCC), estime que les prêts de la banque panafricaine basée au Caire doivent être restructurés selon le principe de comparabilité de traitement. Ce principe, fondamental dans les accords du Club de Paris, impose qu’aucun créancier ne bénéficie d’un traitement plus favorable qu’un autre lors d’une restructuration. Autrement dit, si les créanciers bilatéraux ou privés acceptent un allègement de dette, les institutions régionales comme Afreximbank doivent consentir à des conditions « comparables » afin de garantir l’équité de l’ensemble du processus.
Afreximbank revendique son statut de créancier privilégié, un régime généralement réservé aux institutions multilatérales de développement comme la Banque mondiale ou la BAD, ce qui la protégerait de toute décote « haircut ». C’est précisément cette divergence d’interprétation juridique qui bloque depuis des mois la conclusion de l’accord global de la Zambie.
Selon Nkulukusa, la banque aurait menacé d’un recours à l’arbitrage international, sans avoir encore donné suite. L’entrée en jeu d’un tiers – dont l’identité n’a pas été dévoilée – offrirait donc une alternative : la Zambie transférerait la créance, puis restructurerait la dette selon les règles du Club de Paris, sans heurter frontalement Afreximbank.
Un test pour l’architecture financière africaine
Derrière le bras de fer, c’est toute la question du rôle et du statut des banques multilatérales africaines qui se trouve posée.
Afreximbank et la Banque de commerce et de développement de l’Afrique orientale et australe (TDB), confrontées à des situations similaires au Ghana et au Malawi, redoutent qu’une inclusion dans les restructurations ne fragilise leur accès aux marchés internationaux.
Les agences de notation partagent cette inquiétude : Fitch a récemment abaissé la note d’Afreximbank à BBB-, citant l’exposition croissante aux États africains en difficulté.
Pour les États débiteurs, à l’inverse, le précédent zambien pourrait redéfinir la hiérarchie des créanciers en Afrique et accélérer la refonte d’une architecture financière plus équilibrée.
Une issue encore incertaine
Si le mécanisme de cession aboutit, la Zambie pourrait clore un chapitre douloureux de cinq ans de défaut, amorcé en 2020.
Mais rien n’est encore joué : Afreximbank n’a pas confirmé son accord, et le Club de Paris attend une preuve de comparabilité avant de valider définitivement l’accord global.
Selon des sources proches du dossier, la résolution complète pourrait s’étendre jusqu’en 2026, ce qui retarderait encore le retour de Lusaka sur les marchés internationaux.
Fiacre E. Kakpo
Edité par M.F. Vahid Codjia
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